Le 16e séminaire du Réseau francophone des régulateurs télécoms (Fratel) a fermé ses portes à Douala le 3 avril 2019. Dans cet entretien, Sébastien Soriano, président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) de France, revient sur l’importance de cette rencontre et les enjeux de la régulation face à des opérateurs télécoms extrêmement puissants.
Qu’est-ce que le Cameroun peut gagner du point de vue technique d’un séminaire aussi théorique que celui qui vient de se tenir à Douala ?
Non, ce n’était pas un séminaire théorique. Il était concret. Ce que le Cameroun peut gagner, c’est tout simplement que les réseaux mobiles qui sont déployés sur son territoire soient de meilleure qualité. Les opérateurs télécoms investissent beaucoup d’argent sur les infrastructures. Le problème, c’est qu’ils ont souvent tendance à aller dans les zones qui sont les plus rentables, car il n’y a pas forcément à aller dans les zones les plus difficiles, à couvrir les zones de montagnes ou de forêts. Et une fois qu’ils ont installé le réseau et qu’ils ont des clients, il n’y a pas forcément à donner une bonne qualité. Vous payez votre service, quel est l’intérêt de l’opérateur à apporter de la qualité. Il faut un régulateur qui supervise le territoire et la qualité de service qui est une science extrêmement complexe, très difficile. C’est le casse-tête où nous confrontons tous les régulateurs à travers le monde. Ce séminaire a permis à tout le monde de partager les expériences et de tout simplement permettre à tous nos concitoyens d’avoir une meilleure qualité de service mobile.
Vous reconnaissez que c’est un travail complexe, la régulation. Peut-on dire que c’est un aveu d’impuissance pour les régulateurs ?
Au contraire, c’est parce que les choses sont compliquées qu’il faut un régulateur. La concurrence est une alchimie un peu compliquée parce que, à la fois on veut qu’il y ait du choix, on veut que tous les consommateurs puissent avoir la possibilité d’arbitrer entre plusieurs réseaux. Quand on achète des cartes, on veut pouvoir choisir. Il n’y a rien de plus horrible que le monopole pour faire vivre cette concurrence. C’est tout simplement une alchimie. C’est tout un art parce que, en même temps, on ne veut pas qu’il y ait mille réseaux. Parce que ça coûte très cher d’installer un réseau, et donc pour trouver des équilibres, il faut un régulateur expert, et ce régulateur expert est confronté à des difficultés techniques, confronté à des défis. Ce n’est pas parce que c’est difficile qu’on est impuissant. On est là pour challenger les opérateurs. Sinon à la fin, la qualité et la couverture seraient pires que ce qu’il y a aujourd’hui.
“Nous passons notre temps à batailler contre les grandes forces économiques.”
On vous reproche d’être là, à la solde des opérateurs mobiles. Vous faites ami-ami de temps en temps avec eux. Vous fermez les yeux sur leurs bévues ?
Nous passons notre temps à batailler contre les grandes forces économiques. C’est ça le problème du régulateur de tenir la dragée haute à des puissances économiques extrêmement importantes et d’assurer une bonne distance qui permet qu’à la fin ce soit les concitoyens qui soient satisfaits. Les télécoms, c’est un marché à moitié, et à moitié un service public. Parce qu’il faut que tout le monde ait la bonne qualité et un marché parce qu’on sait que les anciens monopoles d’État non pas été efficaces, et donc c’est un compromis. Et compromis ne veut pas vouloir dire compromission.
Les problèmes de régulation sont les mêmes partout. Pour vous, c’est l’occasion qui vous amène à vous réunir ?
Chacun est face aux pressions qu’on peut avoir dans nos pays. En travaillant entre régulateurs, on peut se serrer les coudes, non seulement, mais aussi partager les bonnes pratiques. Nous partageons les mêmes problématiques des régulateurs à travers le monde et si nous avons choisi ce thème, c’est au cœur de nos préoccupations, du fait que les consommateurs parlent, et c’est universel.
Retranscris sur CRTV Radio par Jean-Claude NOUBISSIE