Alors que se rebâtit la démocratie politique malienne, les chefs d’entreprises qui incarnent le domaine Tech pourront-ils compter sur l’expérience du ministre Hamadoun Touré pour construire une économie numérique performante et inclusive ?
(CIO Mag) – Bamako, vendredi 9 octobre 2020. Le président de l’Association des sociétés informatiques du Mali (Asim) sort d’une audience avec Dr Hamadoun Touré, le nouveau ministre de la Communication et de l’Economie numérique.
« Nous avons pu partager longuement, dans le détail, nos visions respectives de la place et de la contribution du numérique dans la refondation du Mali. Nous sommes complétement alignés sur les actions que nous souhaitons mener au bénéfice de notre pays et de son peuple », confie à Cio Mag, Mohamed Diawara, par ailleurs directeur général de General Computech.
Optimiste, la priorité pour lui consiste à travailler d’abord au renforcement du partenariat public privé pour doter son pays d’un cadre résolument dynamique, pragmatique et surtout productif : « C’est dans ce cadre de partenariat public privé que nous saurons développer le deuxième axe stratégique, à savoir l’employabilité et l’entreprenariat dans le domaine numérique », déclare le président de l’Asim. Il pointe ensuite la « transparence » comme le troisième et « énorme défi de société que pouvoirs publics et acteurs du secteur privé sauront relever ensemble ».
Confiance numérique
Par-dessus tout, Mohamed Diawara estime que « c’est au travers de notre ambition de dématérialisation de l’administration publique auprès de nos concitoyens, de nos entreprises, que nous renforcerons cette confiance numérique ».
La confiance numérique. Socle indispensable à la croissance, la gestion des risques et opportunités que représentent les nouvelles technologies. Sur la forme mais tout aussi vif sur le fond, Didier Bichard défend la même position que le patron de l’Asim.
« C’est rassurant que l’on parle moins de technologie et plus de confiance. La confiance, c’est comme le courage, c’est une qualité sans laquelle aucune autre qualité n’est possible. La technologie, elle, est juste un moyen. Elle délivre toujours une promesse, rarement celle qu’elle avait faite au début », enchérit l’expert de l’intelligence artificielle, promoteur de l’Open Academy numérique à Bamako.
Et d’ajouter : « Pour qu’il y ait confiance numérique, la gouvernance de ce même numérique, doit être élargie à la voix des citoyens et ce, à tous les niveaux de décentralisation. »
Nouveau départ
Avant le coup d’Etat du 18 août dernier, ce pays de l’hinterland d’environ 20 millions d’habitants se trouvait depuis deux ans dans une sorte de léthargie qui pesait déjà sur l’environnement des affaires. La crise sanitaire du Covid-19, qui a précédé la révolte de la rue n’avait pas arrangé les choses non plus. Sans oublier l’embargo de la Cedeao visant à obtenir la désignation d’un civil pour conduire la Transition politique.
« Dans ces conditions, une réaction spécifique de la Tech malienne à la rupture institutionnelle était difficilement décelable. Car finalement le monde des affaires, toute la société, ne voulait plus de cette chienlit, et souhaitait que ça change, attendait un nouveau départ », analyse Mohamed Diawara.
Attaques djihadistes, instabilité politique, coronavirus. C’est dans un contexte de crise multiforme que le Dr Hamadoun Touré rejoint le gouvernement de la Transition malienne. Président du mouvement politique Alliance Kayira, l’homme jouit d’une réputation due à son statut d’ancien secrétaire général de l’UIT et de celui de fondateur et premier directeur exécutif de l’Alliance Smart Africa. Suffisant pour incarner la confiance et catalyser toutes les énergies autour de la société de l’information ?
« Les défis qui l’attendent sont nombreux et bien sûr, en si peu de temps, toutes les problématiques ne seront pas résolues. Mais j’ose espérer que les jalons seront posés afin que le Mali puisse aspirer être dans le rang des pays en voie de développement », commente Amadou Diawara, Ceo de Famib Group et fondateur de l’Université virtuelle du Mali.
A l’en croire, la transformation numérique n’est pas un choix : « Nous y allons, inexorablement. Mais, surtout, il faut que l’on s’approprie ces technologies pour palier d’éventuels handicaps. Car nous ne devons pas rater cette révolution numérique. »
La part de l’économie numérique dans le PIB du Mali est estimée à 7%. La forte croissance du marché des télécoms après la privatisation de Sotelma en 2009, s’est accompagnée d’une évolution importante du taux de pénétration de la téléphonie mobile. De 68,32 % en 2011, il affiche quasiment les 100 % aujourd’hui. Malgré cela, plusieurs contraintes freinent le développement du secteur. De la faible implication de l’Etat à l’appropriation du numérique au manque de cadre incitatif pour l’investissement privé, c’est tout un chapelet d’obstacles qui est égrainé par les acteurs.
« A court terme, nos attentes sont plus sur le fondement qu’il (Dr Hamadoun Touré) mettra en place pour les éléments clés que sont l’accès à internet sur toute l’étendue du territoire, la transformation digitale des services étatiques ou démarches administratives dans l’éducation et la santé, et la réduction du coût de l’internet », déclare Amadou Diawara.
Plan Mali Numérique agile
Au-delà des approches ponctuelles, « le pays espère se débarrasser des vieux démons, afin de retrouver un cadre de compétition loyale dans le business, plus sain et plus transparent », ajoute Mohamed Diawara, le président de l’Association des sociétés informatiques du Mali.
Pour lui, le développement numérique nécessite aussi un accès des populations aux ressources numériques : « L’avenir du secteur passe nécessairement par la formation des ressources de compétence et la vulgarisation des TIC auprès du grand public pour promouvoir les usages. C’est à cela que nous nous attelons actuellement, et nous avons bon espoir d’aboutir », déclare-t-il.
Au Mali, la transition numérique est à l’ordre du jour. Et les acteurs se disent prêts à jouer leur rôle. « Depuis longtemps, ils ont pris leur destin en main et se sont affranchis du miracle de l’homme politique présidentiel et providentiel », rappelle Didier Bichard. Tout en espérant que les attentes du secteur seront formalisées dans une nouvelle feuille de route, « un nouveau Plan Mali Numérique agile by design, révisable, orienté contenu et qui démontre comment il sert les citoyens et leurs besoins ».