Cacao ivoirien : à quoi ressemblera l’avenir à l’ère du digital ?

Utilisation d’un drone dans le cadre d’une inspection interne à Neccayo

En intégrant davantage de technologies numériques pour soutenir la production et les chaînes d’approvisionnement durables, la certification du cacao ivoirien poursuit sa progression.  

(Cio Mag) – Necaayo est un groupe de producteurs de cacao de Soubré, une région forestière équatoriale dont les cours d’eau se jettent dans le fleuve Sassandra, au sud-ouest de la Côte d’Ivoire. Ses 1017 membres sont regroupés en 12 sections, au sein d’une coopérative qui exploite 3984,26 hectares de zone de production cacaoyère.  

Autrefois, pour inspecter une exploitation agricole, les informations étaient collectées avec des formulaires papier. Figuraient les membres du ménage de l’exploitant (hommes, femmes, enfants), le nom de la parcelle, son emplacement, sa superficie, sa productivité, ainsi que les informations sur la conformité aux exigences de la certification. Tout le travail d’audit était basé sur une inspection visuelle, sur les vérifications de la documentation et sur des entretiens. Dans certains cas, les données collectées manuellement étaient reportées sur une feuille de calcul Excel. Et seules les données les plus importantes pour Rainforest Alliance étaient analysées et examinées. Les inspections internes étaient effectuées une fois par an et ce processus aboutissait à l’archivage de grandes quantités de papier entassées dans les bureaux de la coopérative.  

Collecte numérisée

Depuis 2016, la collecte d’informations s’est numérisée. Dans le cadre du programme First Mile, les données sont collectées avec des Smartphones. Elles sont combinées à d’autres bases de données (notamment géospatiales) et leur utilisation permet de réaliser un audit à distance, au cours duquel tous les aspects de l’exploitation agricole – cours d’eau, limites du champ, arbres tombés… – sont présentés par vidéoprojecteur. L’auditeur peut savoir si un champ est trop proche de la frontière d’un parc national ou si la déforestation peut se produire.

« Depuis la salle, l’auditeur a un œil sur toute la plantation. Le système de mapping fournit une cartographie personnalisée de la structure. L’analyse permet d’identifier, à travers des points rouges, les zones en non-conformité avec les exigences du standard Rainforest Alliance. Cela nous facilite la tâche », explique Jean-Marc Gouda, ex-responsable certification et durabilité de la coopérative Necaayo-COOP-CA, aujourd’hui employé de Rainforest Alliance. En un clic, il a accès à toutes les données sur une plantation, alors que par le passé, il fallait chercher dans un tas de papiers pour retrouver des dossiers utiles. « A présent, avec mon téléphone, j’ai toutes ces informations avec moi.»  

Profilage, à l’aide d’un Smartphone, des membres du ménage d’un producteur agricole de la coopérative Necaayo.

Ces données peuvent ensuite être utilisées pour fournir des conseils ou une formation plus ciblée sur le terrain et la coopérative peut ainsi s’améliorer sur les questions de durabilité. Elles permettent, par exemple, de conseiller les agriculteurs dans leurs choix. Comme celui d’investir dans certains types d’engrais dans une zone à faible productivité à cause de la dégradation des sols. Ou d’émettre des avertissements si certains ravageurs ou des maladies sont susceptibles de se déclarer dans une zone de production.

Grâce aux données indirectes collectées, on peut identifier les zones où le travail des enfants est à plus haut risque. Ce type de cartographie des risques pourrait aider les entreprises à identifier les fournisseurs potentiels qui utilisent le travail forcé et permettre d’aborder le problème avec eux. Des informations détaillées sur les performances peuvent également être collectées et être utilisées pour améliorer l’efficacité et la précision des audits externes.  

Les défis du « First Mile »

En Côte d’Ivoire, Soubré est l’une des plus grandes régions productrices de cacao. Le pays est le premier producteur mondial de cette matière première, avec plus de 2 millions de tonnes de fèves en 2020, soit plus de 40% du marché. Cependant, les pratiques agricoles de la cacaoculture appellent de nombreux commentaires.

Déforestation, travail des enfants, changement climatique… Tels sont les principaux défis auxquels sont confrontés les producteurs individuels et la coopérative. Ceux-là même qui composent la première partie de la chaîne d’approvisionnement agricole, que Rainforest Alliance appelle le « First Mile ». Et qui a donné son nom au programme d’innovation. Le projet First Mile, créé en 2016, prône un système de certification beaucoup plus technologique et qui repose davantage sur des approches numériques de collecte de données, en collaboration avec des groupes de producteurs.   

Calcul de la superficie dans un champ de cacao exploité par la coopérative Necaayo.

« C’est un programme dans lequel nous explorons à quoi pourrait ressembler, à l’avenir, la certification et où nous testons et essayons quelque chose qui, selon nous, a un fort potentiel dans le domaine. Il s’agit essentiellement de données », commente Henk Van Rikxoort, Responsable du renseignement agricole à Rainforest Alliance. Selon lui, l’organisation de la certification veut faire évoluer son processus car de nombreux flux d’informations manquent toujours d’efficacité. Le temps de collecte des données est élevé et la qualité des données n’est pas toujours très bonne.  

Efficacité et durabilité

A l’instar de la Côte d’Ivoire, les équipes de Rainforest Alliance – parmi lesquelles figurent des experts en télédétection et en géospatiale – ont pu exécuter le projet First Mile dans neuf pays africains. Elles se servent de plusieurs outils numériques simples, tels que des applications mobiles utilisables hors ligne, dans des zones reculées. Les avantages de ces applications vont finalement s’étendre à toute la chaîne d’approvisionnement. L’objectif est d’améliorer la prestation de services pour les petits exploitants, de générer un financement institutionnel et de lier plus fortement la certification aux programmes paysagers et communautaires. « Dans plus de cinq ans, déclare Henk, nous serons en mesure d’appliquer cette nouvelle technologie en parallèle du système de certification et également aux applications agricoles. »  

A l’avenir, Rainforest Alliance devra trouver comment utiliser intelligemment ces informations pour offrir plus de valeur à ses partenaires. Les leçons tirées des années d’expérience de travail, avec des groupes de producteurs et des partenaires, dans le cadre du programme First Mile, ont permis de lancer une nouvelle application. Il s’agit de l’application Farm Intelligence exécutée lors du programme de certification 2020. Elle est disponible en version mobile et en version web. La version mobile est conçue pour les inspections internes sur le terrain et la version web a pour vocation d’aider les gestionnaires des groupes d’exploitations agricoles dans leur administration.   

Anselme AKEKO

Responsable éditorial Cio Mag Online
Correspondant en Côte d'Ivoire
Journaliste économie numérique
2e Prix du Meilleur Journaliste Fintech
Afrique francophone 2022
AMA Academy Awards.
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