Il faut mener la guerre aux impayés !

Face à cette problématique, la CIDRP a décidé de frapper fort en organisant  la 1ère conférence internationale sur les délais et retards de paiement. 1675 participants originaires de 14 pays d’Afrique seront présents. Pierre Lafont Massodi Ma Kame, organisateur de cette conférence, nous explique les objectifs de ce forum.

Propos recueillis par Casbi Rudy

 

Cio Mag: Pouvez-vous nous décrire le contenu de votre conférence ?

Pierre Lafont Massodi Ma Kame : La 1ère Conférence Internationale  sur les  Délais  et Retards de Paiement sera divisée en 4 journées thématiques. La première, baptisée  journée du leadership  politique et économique, accueille les « personnalités – locomotives » dans la lutte contre les  retards de paiement.

Le but, c’est de les inciter à engager la bataille  contre ce fléau qui entrave la compétitivité des entreprises et ralentit la croissance économique.

La deuxième, c’est la journée du  management financier. L’objectif sera de présenter aux participants l’importance  du secteur financier dans la lutte contre les retards de paiement et le  développement  économique.

La troisième journée sera dédiée au management commercial. Les panélistes donneront aux participants les clés pour identifier les causes pouvant entraîner des retards de paiements. Et nous leur donnerons des conseils pratiques pour limiter les risques d’impayés.

La journée de clôture, c‘est celle  du partenariat  au recouvrement des créances. Elle a pour but de faire du système judiciaire  un véritable  partenaire dans  la lutte contre les  retards de paiement.

Pourquoi organiserez-vous  la 1ère Conférence Internationale sur les Délais et Retards de Paiement ?

Le déclic m’est venu lors d’un séjour aux USA en 2017. Contrairement à ce qui est vécu chez moi au Cameroun, je remarque que des débiteurs appellent leurs créanciers pour les informer que leurs paiements sont prêts.

Pendant mon séjour de quatre mois,  j’ai interrogé des  personnes  et réuni  des éléments  qui m’ont permis, aussitôt rentré au pays, d’engager la recherche à l’échelle  continentale puis mondiale  sur les  délais  et retards de paiement.

Comment les nouvelles technologies peuvent-elles être un outil contre les impayés ?

Avec la blockchain, nous pouvons enregistrer dans un cadastre tous les entrée/sorties de fonds de l’entreprise. On pourrait enregistrer chaque contrat dans un cadastre dédié afin qu’aucun de ses termes ne soit remis en cause. Il faut dire que les contrats ne sont pas respectés car il y a beaucoup d’informalités entre les parties prenantes. La numérisation de ces contrats permet d’assurer l’irrévocabilité de chaque élément qui y figure. Car, les impayés prennent parfois leurs racines derrière une prétendue non réalisation du service par le fournisseur. Cela entraîne une re-négociation du contrat et de son montant, ce qu n’immunise pas les entreprises contre le risque de l’impayé ou du retard de paiement.

 Quels seront les caractéristiques de cette édition ?

La spécificité fondamentale de la 1ère Conférence Internationale sur les Délais  et Retards de Paiement, réside  dans son approche fédératrice. Elle n’oppose pas les « bons » aux « méchants. »

Elle  réunit autour d’une même table : les Etats et opérateurs économiques,  créanciers et débiteurs,  opérateurs et partenaires  au recouvrement des créances. Le but, c’est de fédérer toutes les  énergies  autour de la lutte contre les retards de paiement qui sont  un cancer pour  les économies.

Il faut donc présenter,  convaincre  les participants du bienfondé  de ce combat.  S’ils ne sont pas combattus, ils finissent par impacter jusqu’aux trésoreries  des opérateurs économiques  qui vendent comptant.

L’autre spécificité de cet événement  relève de son caractère pratique.  Les travaux s’appuient sur  des  politiques  de lutte et des actions qui ont fait leurs  preuves ailleurs. C’est  ce qui confère sa  dimension internationale  à l’événement. Les participants  pourront s’inspirer des expériences  américaines, européennes, pour adopter des politiques  adaptées  à leurs environnements  économiques  respectifs.

Quel est l’ampleur du fléau des impayés pour les entreprises camerounaises ? 

Les  seuls  chiffres  sur lesquels  tous les « violons » sont accordés  sont ceux de la  dette des entreprises  publiques  ou à capitaux publics, qui est de l’ordre de 2600 milliards de FCFA.

Faute de mécanismes de suivi  et d’études  fiables,  on ne peut aujourd’hui produire des données  chiffrées sur le crédit inter-entreprises  qui est tout aussi  colossal.

Et, c’est aussi  cela  l’un des objectifs de cet événement, qui est de doter nos pays d’instruments de suivi et de lutte contre les  retards de paiement.

Mais  globalement, l’ampleur du fléau  est dévastatrice pour nos économies  car, c’est toute la chaîne d’activités, depuis la négociation du contrat commercial  jusqu’au  système  judiciaire, qui est  sujette à questions.

Il convient surtout de préciser  que le mal ne se retrouve pas toujours et uniquement là où l’on le recherche. Il est vrai que nos Etats n’ont pas, en partenariat avec le leadership économique, défini des politiques  globales  et sectorielles  de lutte contre les retards de paiement. Il est aussi vrai que les codes éthiques  définis  dans  les  entreprises  effleurent parfois  la question  et, les personnes  chargées  de leur suivi sont  très  peu regardantes  sur le  respect des  délais  de paiement. Il est tout aussi  vrai que nos systèmes judiciaires, avec des  procédures  trop longues et coûteuses, des décisions qui ne sont pas toujours appliquées, entretiennent plutôt la culture des  retards  de paiement. Mais les créanciers  en portent, eux aussi, une lourde responsabilité. La vacuité  des  contrats, la  mauvaise  organisation  des services de livraison  et de  facturation, ainsi  que l’absence  des  services de recouvrement ou leur mauvaise  structuration, sont la cause de plusieurs cas de retards.

Comment peut-on repérer un client « mauvais payeur » ?

Dans  un environnement économique  où, les retards de paiement, au lieu d’être l’exception, sont devenus  la  règle, il est difficile  de dire ce qui caractérise le mauvais  payeur. Et, le détecter, c’est la tache la  plus  aisée  car, exceptées quelques  entreprises, c’est le client lambda; même si chacun ne trouve le mauvais payeur qu’en l’autre.

Quels outils et conseils donnerez-vous aux entreprises qui seront présentes pour lutter contre les retards de paiement ?

Tout commence lors de la négociation du contrat commercial  qui doit clairement préciser quels sont les  délais  de paiement et les  pénalités  en cas de retard. Le fournisseur doit aussi structurer ses  services  de manière à éviter des erreurs de livraison  ou de facturation. Il doit en outre disposer d’une unité de recouvrement  qui pourra, en fonction des  clauses  contractuelles et des discussions avec les  clients  respectifs, définir son plan d’action. Il peut aussi choisir de confier, partiellement ou globalement, son recouvrement à un professionnel.

Toutefois, ces actions n’obtiendront pleins  résultats que si elles  sont soutenues  par une politique  de lutte volontariste  qui ne peut qu’être définie  et garantie  par l’Etat.

Quelles sont vos  attentes pour cette 1ère Conférence Internationale sur les Délais et Retards de Paiement ?

Afin d’aider nos entreprises  à devenir compétitives et nos économies  à connaître une croissance soutenue, le but de cet événement, c’est d’inciter  les  Etats et les  opérateurs économiques  à engager la lutte contre les  retards de paiement qui, pour être efficace, nécessite  une  volonté politique  pas affichée, mais  affirmée.

Et, en l’engageant véritablement, certains pays africains pourraient voir leur croissance économique s’améliorer d’environ 2% à moyen terme.

 

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