Organisée dans le cadre de la 9eme édition des ATDA, le panel intitulé “PME et start-up innovantes – comment structurer, développer sans détruire ?” a réuni plusieurs intervenants actifs dans les thématiques des start-up et du numérique. Les échanges ont porté sur les défis technologiques et socio-culturels de l’innovation et de l’entreprenariat en Afrique.
Zakaria Gallouch
Le développement d’une start-up est plein d’imprévus. Pour y faire face, l’entrepreneur doit faire preuve à la fois de beaucoup d’agilité et d’un état d’esprit qui l’aide à partir d’une idée forte, pour réussir à sélectionner son marché, développer son offre, réunir une équipe à la hauteur des enjeux et trouver des financements. Dans ces discussions, il s’agira donc de voir comment harmoniser tous ces enjeux sans détruire, d’une part son projet, et d’autre part l’environnement dans lequel il est inséré. Et ceci, ça nécessite fondamentalement d’avoir au préalable une vision claire sur les multiples enjeux humains, techniques, commerciaux, environnementaux et financiers auxquels l’entrepreneur est confronté.
L’innovation pour survivre
Pour faire face à la crise du Coronavirus, l’innovation s’est imposée comme un prérequis essentiel pour notre survie à plusieurs égards. Consolidant de surcroît le rôle de l’entrepreneuriat dans les politiques de développement durable sur le continent. Pour Malik Diouf, CEO de la startup LAfricaMobile, ce contexte a constitué l’accélérateur de la vision de son équipe : ‘’Faire du mobile un véritable levier de croissance et d’inclusion économique pour les populations.’’. L’entreprise, spécialisée dans le mobile marketing, déploie ses innovations dans 10 pays d’Afrique, en partenariat avec 25 opérateurs Telecom. Objectif : développer des solutions mobiles, pour pallier au manque de connectivité dans les pays africains. Pour Malik Diouf, la réussite de LAfricaMobile est le fruit d’une approche qui repose essentiellement sur la culture de l’entreprise, ainsi que sa forte implication dans la réalité du terrain. ‘’80% des africains disposent d’un téléphone mobile au moment où seulement 50% ont accès à internet. Nous sommes convaincus que la téléphonie mobile peut contribuer grandement au développement dans le continent”, insiste-t-il.
Pour Jean-Bernard Gramunt., Délégué Général de Franco-Fil, l’innovation ne peut se concrétiser dans l’économie réelle sans avoir étudié au préalable, sa viabilité dans le marché. ”S’il n’y a pas de marché derrière, l’innovation ne sert à rien! Par manque d’expérience, certaines start-ups se lancent sur le développement de solutions technologiques, qui ne sont pas forcément viables dans les écosystèmes dans lesquelles elles existent, en se disant parfois que l’on va se lancer et s’améliorer au fur et à mesure’’. Et d’ajouter : ‘’Cela peut marcher pour des Business Modèles préexistants comme dans l’e-commerce par exemple. Mais quand il s’agit de développer une innovation technologique, l’analyse du marché et le business plan sont primordiaux”.
Dans ce sens, Stéphan-Eloïse Gras, directrice Exécutive de Digital Africa, une initiative lancée en 2018 par le président Emmanuel Macron, assure que cet impact concret constitue un parti pris stratégique, dans la politique de son organisation. ‘’Nous mettons parmi nos objectifs principaux le renforcement des capacités des entreprises, pour développer une économie numérique au service de l’économie réelle’’, explique-t-elle, insistant sur la nécessité à considérer les besoins locaux.
Quid de l’incubation et la mutualisation des compétences ?
L’une des règles primordiales en entrepreneuriat est de savoir développer son réseau de contacts, et nouer des partenariats. L’incubation permet donc de professionnaliser ce volet de l’exercice entrepreneurial, et offre aux start-up la possibilité d’évoluer en communautés. ‘’L’innovation doit se créer dans une logique d’écosystèmes mutualisés’’ affirme dans ce sens Stéphan-Eloïse Gras. Préconisant une approche globale de coopération entre entrepreneurs, pouvoirs publics, réseaux d’accompagnement et chercheurs. ‘’C’est pour cela que Digital Africa se présente à la fois à travers ses capacités de financement -130 millions d’euros- en plus d’un accompagnement non financier via les réseaux d’entrepreneurs. Le financement c’est le nerf de la guerre, mais il ne suffit pas ! Il faut aussi mettre en place des mécanismes de soutien aux entrepreneurs, notamment sur le plan technologique.’’
Pour Thierry Barbaut, expert en finances, projets et programmes d’innovation et numérique, cette mutualisation de compétences constitue le vecteur d’une innovation porteuse d’impact et aide à attirer des financements. ‘’Savoir pitcher, développer le narratif de son projet et le présenter de manière très simple, même quand on propose une technologie complexe, est fondamental pour convaincre les VC‘’, insiste Thierry Barbaut.
Le savoir être, un atout crucial pour réussir l’aventure entrepreneuriale
Par son positionnement au cœur de la dynamique d’innovation, la culture de l’entrepreneur constitue un élément clé dans toute démarche de développement. Elle conditionne la résilience face aux crises, tout en développant son efficience stratégique et opérationnelle. Un savoir être essentiel pour mener le chemin de l’idéation vers la croissance et la levée de fonds. Un facteur décisif selon Nabou Fall, co-fondatrice d’Impact Hub Abidjan. ‘’On s’appuie sur le mindset aussi bien pour le développement du réseau de partenariats, que pour le renforcement des équipes.” déclare celle qui est aussi directrice générale de Vizeo, agence spécialisée en communication et les relations publiques en Afrique.
Bourry NDAO, entrepreneure et membre du Conseil présidentiel pour l’Afrique, du président français Emmanuel Macron, a présenté dans ce sens la mission du CPA. Aspirant à repenser le narratif entre la France et l’Afrique, en mettant l’entrepreneur au centre de ce nouveau paradigme relationnel. ‘’Nous sommes ces derniers temps extrêmement focalisés sur l’entreprenariat, dans la mesure qu’elle valorise l’individu dans sa proportion à participer dans la création d’une nouvelle relation entre les continents’’. Et puis de s’arrêter sur le travail d’adaptation à faire au niveau des système éducatifs. ‘’Il faut commencer à installer la fibre entrepreneuriale dès le jeune âge, pour permettre à ceux qui veulent entreprendre, d’avoir la capacité de se détacher des paradigmes et systèmes de croyances existants. Qu’ils soient capables de repenser un modèle différent et apporter des solutions différentes.” Bourry Ndao a ainsi plaidé pour une démarche éducative, en continuum avec les structures d’accompagnement. ”C’est ainsi que l’on se donne la chance d’identifier très tôt les graines entrepreneuriales, pour les orienter vers les écosystèmes d’incubation et d’accompagnement, qui vont permettre d’accompagner leur progression.’’
La pandémie de la Covid19 a eu le mérite d’étouffer toute suspicion quant aux capacités des Africains à entreprendre et innover. C’est une occasion historique qui a propulsé l’éclosion de l’entrepreneuriat et l’émergence de la culture Start-up, auprès des différents acteurs économiques, gouvernementaux et civils. Dans l’espoir d’insuffler une mobilisation globale et transverse, qui canalise cette tendance vers une croissance profitant à l’ensemble des populations.