Fake news, espionnage, blocage de site : le père du web s’inquiète des dérives en ligne

(CIO Mag) – Tim Berners-Lee inquiète de plus en plus des dérives sur Internet. L’inventeur du web  appelle les internautes à rester vigilants face aux menaces que représentent les fake news ou le recul américain sur la liberté du net.

Inventeur du Web il y a plus de 25 ans, Tim Berners-Lee regrette le pouvoir qu’ont pris sur lui les états et les grandes entreprises comme Google ou Facebook. Il souhaite pousser vers un Web plus déconcentré et plus sûr pour ses utilisateurs. 

Des questions …

Mais qu’a-t-on fait d’Internet ? C’est la question que se posent régulièrement des pionniers du Web, qui rêvaient de changer le monde et qui l’ont effectivement fait, sans toujours bien savoir si c’est pour le meilleur ou pour le pire. Internet a apporté son lot incontestable d’améliorations dans la vie sociale, en permettant aux citoyens de s’informer davantage, de partager des connaissances et d’entrer plus facilement en contact les uns avec les autres. Mais il est aussi devenu un moyen inédit de surveillance de la population et une machine libérale qui favorise les plus gros dans une économie plus que jamais mondialisée.

Parmi ceux qui semblent avoir quelques regrets figure l’inventeur du World Wide Web, Tim Berners-Lee. Dans le New York Times, il s’est désolé  de ce qu’était devenu en partie Internet. « Il contrôle ce que les gens voient, crée des mécanismes sur la manière dont les gens interagissent. Ce fut génial, mais l’espionnage, le blocage de sites, le détournement du contenu des gens, vous font aller sur les mauvais sites web… tout ça mine complètement l’esprit d’aider les gens à créer », condamne-t-il.

Fake news, campagnes massives d’influence politique sur les réseaux sociaux, polarisation des débats en ligne… Tim Berners-Lee est bien conscient des nombreuses dérives qui pèsent sur notre vie numérique. L’informaticien britannique reconnaît dans un autre article publié dans le journal le Guardian, que cette accumulation de menaces a de quoi inquiéter : « Je reste optimiste, mais comme un optimiste qui se tient au sommet d’une colline en proie à une violente tempête, accroché à une clôture. »

Tim Berners-Lee, qui milite de longue date pour que le web reste une « plateforme ouverte qui permet à chacun et chacune de partager des informations, d’accéder à certaines opportunités et de collaborer sans frontières géographiques » conformément à l’esprit de ses débuts, estime que les internautes doivent rester conscients que l’évolution du web ne tend pas intrinsèquement vers des améliorations ou des avancées.

Un appel à revoir le fondement des réseaux sociaux

Il dénonce notamment le rôle joué par les réseaux sociaux comme Facebook dans le relais d’articles de désinformation accrocheurs et rémunérateurs au vu des revenus engrangés alors que son ancien président et l’un de ses premiers investisseurs ont tous les deux dénoncé le modèle volontairement addictif de la plateforme.

Le sexagénaire estime que l’efficacité des publicités d’influence ciblées comme la prolifération de contenus haineux sur les réseaux sociaux ne doivent pas être considérées comme des réalités immuables : « Nous avons tellement l’habitude de voir ces systèmes manipulés que nous en venons à penser que c’est comme ça qu’Internet fonctionne. Si les réseaux sociaux ne servent pas à l’humanité, ils devraient changer. »

S’il est le premier à prôner un web ouvert, Tim Berners-Lee fait lui-même l’objet de critiques. En avril 2017, il a ainsi reçu un prix ironique d’un collectif de défense de la liberté du net, qui dénonçait la généralisation des DRM .Ces droits numériques qui peuvent restreindre la lecture de certains contenus selon des critères géographiques ou matériels notamment  acceptée par le W3C, le World Wide Web Consortium, présidé par l’informaticien britannique.

Tim Berners-Lee appelle toutefois de nouveau à défendre la neutralité du net « Le principe selon lequel tout trafic doit être traité de manière égale pour tous les internautes, sans discrimination par rapport à leur appareil ou leur abonnement, alors qu’elle est particulièrement menacée aux États-Unis », a-t-il précisé

Joe Marone

 

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