Nathalie Kienga : « les lacunes dans les politiques de protection des données en Afrique ont un impact sur la vulnérabilité des jeunes filles et femmes aux violations de leur vie privée en ligne »

Dans un monde de plus en plus connecté, la protection des données personnelles est devenue une question cruciale, en particulier pour les jeunes filles et femmes qui sont souvent exposées à des risques accrus en ligne en raison de leur genre. Nathalie Kienga, Coordonnatrice adjointe du Conseil National de Cyberdéfense (CNC) de la République Démocratique du Congo et fondatrice de l’Institut africain de Cybersécurité et Sécurité des Infrastructures (I-CSSI), nous a accordé une interview exclusive pour aborder cette problématique.

Forte de plus de dix années d’expériences dans le domaine de la cybersécurité et en stratégie numérique ; et diplômée de l’École de Guerre Économique, Mme Kienga parle des défis auxquels sont confrontés les jeunes filles et femmes africaines en matière de protection des données et de sécurité en ligne. À travers cet entretien, nous explorons les spécificités des violations de la vie privée que subissent les jeunes filles et femmes, et les mesures nécessaires pour mieux les protéger dans l’environnement numérique.

Cio-Mag : Quelles sont les principales barrières socio-économiques et culturelles auxquelles les jeunes filles et femmes africaines sont confrontées lorsqu’il s’agit de protéger leur vie privée en ligne ?

Nathalie Kienga : À l’ère du numérique, la protection de la vie privée en ligne est devenue une préoccupation majeure pour les individus du monde entier. Cependant, les jeunes filles et femmes africaines sont confrontées à des défis uniques relatifs à la protection de leur vie privée en ligne en raison d’une multitude de facteurs socio-économiques et culturels. Sur le plan socio-économique, l’accès limité à Internet et aux technologies de l’information constitue l’une des principales barrières. Les jeunes filles et femmes africaines ont souvent un accès limité à Internet en raison de la faible disponibilité de la connectivité, des coûts élevés des services et du manque d’alphabétisation numérique.

Sur le plan culturel, les normes et les attentes sociales locales peuvent également constituer des obstacles à la protection de la vie privée en ligne des jeunes et femmes africaines. Dans certaines sociétés et cultures, les jeunes filles et femmes peuvent être découragées ou limitées dans leur utilisation d’Internet et des réseaux sociaux en particulier. Ce qui peut être un frein au développement de leur capacité spécifique en la matière, mais aussi à l’apprentissage des mesures de protection de la vie numérique.

Les stéréotypes de genre peuvent également contribuer à un manque d’exploitation des
avantages du monde 2.0

Comment les stéréotypes de genre et les normes socio-culturelles influencent-ils la manière dont les jeunes filles et femmes africaines interagissent avec la technologie et partagent leurs données personnelles en ligne ?

Les stéréotypes de genre et les normes socio-culturelles ont un impact significatif sur la manière dont les jeunes filles et femmes africaines interagissent avec la technologie et partagent leurs données personnelles en ligne. Les jeunes filles et femmes peuvent être découragées d’utilisation d’Internet ou complètement interdite d’accès au service numérique. Ces limites impactent leur capacité à interagir avec les outils et services technologiques. Ce qui peut en conséquence apporter un retard considérable sur la maîtrise de ce nouvel environnement.

Les stéréotypes de genre peuvent également contribuer à un manque d’exploitation des avantages du monde 2.0, un manque de confiance et d’éducation numérique. Elles peuvent ne pas se sentir suffisamment compétentes pour utiliser la technologie ou comprendre les enjeux de confidentialité et de sécurité en ligne. Cela peut les rendre, en définitif, plus vulnérables aux violences faites en ligne. .

Il est essentiel de renforcer les politiques et de protection des données
et les lois sur la vie privée.

Dans quelles mesures les lacunes dans les politiques de protection des données et les lois sur la vie privée en Afrique exacerbent-elles la vulnérabilité des jeunes filles et femmes aux violations de leur vie privée en ligne ?

L’absence de législation spécifique crée un vide juridique qui permet aux acteurs malveillants de collecter des informations et du contenu, de menacer et d’utiliser les données personnelles des jeunes filles et femmes sans leur consentement. Cela les expose à des violations de leur vie privée, sans recours légal approprié.

En Afrique, nous constatons une recrudescence de ces méthodes inappropriées et un vide important de levier de protection. Même lorsque des lois existent, leur application est souvent limitée en raison de ressources insuffisantes ou d’un manque de sensibilisation. Les jeunes filles et femmes ont donc peu de moyens de se protéger juridiquement lorsqu’elles sont victimes de violences en ligne de leur vie privée en ligne. Cette situation renforce leur vulnérabilité et crée un climat d’impunité pour les auteurs de ces violences. Le manque de sensibilisation et d’éducation contribue également à la vulnérabilité des
jeunes filles et femmes.

Beaucoup ne sont pas conscientes de leurs droits en matière de protection de la vie privée en ligne et des risques liés à la divulgation de leurs données personnelles. Une sensibilisation accrue et une éducation sur les mesures de protection des risques numériques sont donc essentielles pour autonomiser les jeunes filles et femmes et les aider à se protéger.

Pour atténuer la vulnérabilité des jeunes filles et femmes aux violations de leur vie privée en ligne en Afrique, il est essentiel de renforcer les politiques de protection des données et les lois sur la vie privée. Il est également nécessaire de garantir leur application effective à travers des organes de régulation efficaces et des ressources financières suffisantes. Enfin, il est crucial de mettre en place des mécanismes de soutien et de protection pour les jeunes filles et femmes victimes de violations de leur vie privée, afin de garantir leur sécurité et leur bien-être en ligne.

Quels sont les risques spécifiques auxquels sont exposées les jeunes filles et femmes africaines en termes de harcèlement en ligne, de cyber-violence et d’exploitation de données personnelles ?

Les jeunes filles et femmes africaines sont confrontées à plusieurs risques spécifiques en termes de harcèlement en ligne, de cyber-violence et d’exploitation de données personnelles. Premièrement, le harcèlement en ligne : les jeunes filles et femmes africaines sont souvent victimes de harcèlement en ligne, y compris de cyberintimidation, de menaces, d’insultes et d’abus verbaux ; la diffusion non consentie de données personnelles : elles sont également souvent victimes de la diffusion non consentie de leurs images intimes ou de contenus personnelles sensibles. Cela peut entraîner la stigmatisation, la honte et des conséquences néfastes dans leur vie personnelle, professionnelle et sociale.

Deuxièmement, les violences en ligne liées au genre : Ces jeunes filles et femmes sont aussi confrontées à des formes spécifiques de violence en ligne liées au genre, des violences qui visent à dégrader, humilier et marginaliser les jeunes filles et femmes en ligne, créant un climat hostile et limitant leur liberté et capacité d’expression.

Troisièmement, l’exploitation des données personnelles : elles peuvent être victimes de l’exploitation de leurs données personnelles par des acteurs malveillants. Cela peut inclure la collecte, l’utilisation et le partage non autorisés de leurs informations personnelles. Ce qui peut entraîner des conséquences telles que le vol d’identité, la fraude financière ou la discrimination. Il est important de reconnaître ces risques spécifiques et de prendre des mesures pour les prévenir et les combattre. Cela comprend une nouvelle fois la sensibilisation, la mise en place de politiques de lutte contre le harcèlement en ligne, ainsi que le renforcement des mécanismes de soutien et d’assistance aux victimes.

Les initiatives de sensibilisation sont importantes pour informer les jeunes filles et femmes
africaines sur les risques spécifiques auxquels elles sont confrontées en ligne

Comment les initiatives de sensibilisation, de formation et d’autonomisation des jeunes filles et femmes africaines peuvent-elles contribuer à renforcer leur capacité à protéger leurs données personnelles et leur vie privée en ligne ?

Les initiatives de sensibilisation, de formation et d’autonomisation des jeunes filles et femmes africaines sont essentielles pour renforcer leur capacité à protéger leurs données personnelles et leur vie privée en ligne. Elles les aident à comprendre les risques, à acquérir les compétences nécessaires, à renforcer leur confiance et à accéder à des ressources pour agir de manière proactive et sécurisée dans l’environnement numérique. Cela contribue à créer un espace en ligne plus sûr et plus inclusif pour les jeunes filles et femmes africaines, favorisant leur participation active et leur épanouissement dans le monde numérique.

Les initiatives de sensibilisation sont importantes pour informer les jeunes filles et femmes africaines sur les risques spécifiques auxquels elles sont confrontées en ligne. Elles mettent en lumière les différentes formes de harcèlement en ligne, de cyber-violence et d’exploitation des données personnelles, en soulignant les conséquences néfastes sur la vie des jeunes filles et femmes. En comprenant ces risques, les jeunes filles et femmes africaines peuvent être plus conscientes de leur présence en ligne, de leur utilisation des outils numérique et de prendre des mesures adéquates pour se protéger.

La formation joue un rôle crucial en fournissant aux jeunes filles et femmes africaines les compétences et les connaissances nécessaires pour naviguer en toute sécurité dans l’environnement numérique. Cela inclut l’apprentissage des pratiques de sécurité en ligne telles que la gestion des mots de passe, la protection des informations personnelles, la reconnaissance des tentatives de phishing et la sécurisation des comptes en ligne. Les jeunes filles et femmes africaines sont ainsi mieux préparées à faire face aux menaces potentielles et à se protéger contre les atteintes à leur vie privée.

L’autonomisation des jeunes filles et femmes africaines est un aspect clé de ces initiatives. Elle vise à renforcer leur confiance en elles et leur estime de soi, en leur donnant les moyens de s’approprier l’espace numérique et de défendre leurs droits à la vie privée en ligne. L’autonomisation leur permet de reprendre le contrôle de leurs données personnelles, de se positionner comme des actrices de changement ou d’accompagner à leur tour des jeunes filles et femmes victimes et de participer activement aux initiatives de protection de vie privés en ligne.

Enfin, l’accès à des ressources et à des outils adaptés est également crucial. Les initiatives d’autonomisation facilitent l’accès des jeunes filles et femmes africaines à des ressources telles que des guides pratiques, des plateformes d’assistance et des réseaux de soutien. Cela leur permet d’obtenir des informations spécifiques à leur situation et de bénéficier de l’expertise et de l’appui de personnes ayant vécu des expériences similaires. L’accès à des logiciels de sécurité et à des outils de protection des données est également important pour renforcer leurs capacités.

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Enock Bulonza

Journaliste spécialisé dans les TIC et la santé. Passionné par les technologies émergentes (IA,  développement full-stack et la blockchain, etc.). En tant que correspondant de Cio-Mag dans la région des Grands lacs africains, je suis chargé de couvrir les développements technologiques et de fournir des informations précises et pertinentes sur ces sujets.

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