Le regroupement à Abidjan, d’un grand nombre de chefs d’entreprise du monde de la Finance et des Télécoms, venus de divers horizons, à la faveur du Digital African Tour – Côte d’Ivoire 2019, a permis de dégager des recommandations pour accélérer l’inclusion économique et financière en Afrique.
(CIO Mag) – Enjeu majeur du développement économique, la finance digitale était au cœur du « Digital African Tour » d’Abidjan, organisé le mercredi 2 octobre par CIO Mag en partenariat avec la CGECI. Placé sous le parrainage du ministre de l’Economie numérique et de la Poste, Mamadou Sanogo, ce forum sur les enjeux de la finance digitale pour l’inclusion financière, s’est ouvert en présence de Dr Guibéssongui N’Datien Sévérin, directeur de cabinet, Ahmed Cissé, vice-président de la CGECI, Mohamadou Diallo, directeur général de CIO Mag, et Patrick Mbengue, président du Groupement des entreprises du secteur des TIC (GOTIC).
Face aux acteurs de la finance digitale, Dr Guibéssongui Sévérin a déclaré que l’inclusion financière demeure un défi pour bon nombre de pays africains. En ce qui concerne la Côte d’Ivoire, « le développement des services financiers ne peut se faire sans une lutte efficace contre la cybercriminalité », a précisé le directeur de cabinet, avant de réaffirmer la détermination de l’Etat à accroître la confiance dans les services financiers numériques.
1- S’appuyer sur les valeurs africaines. Dans une Afrique transformée par la téléphonie mobile, le développement de l’inclusion financière invite à intégrer le digital comme facteur d’accélération de connaissances, d’informations et de savoir-faire. Selon Ahmed Cissé, vice-président de la CGECI, cela nécessite également de s’appuyer « sur les valeurs de l’âme africaine qui font de notre continent un trésor de créativité, d’ingéniosité et de facilité d’adaptation ».
En témoigne la formidable percée des Fintech africaines, qui ont levé la grande partie du milliard de dollars investi dans les startups africaines en 2018. Pour Mohamadou Diallo, directeur général de CIO Mag, « cela marque un tournant décisif dans cette nouvelle économie », qui non seulement est appelée à s’accroitre mais souligne la nécessité de poser un regard sur ses problématiques afin de faire des propositions pour transformer le monde du paiement et accélérer l’inclusion financière. Livrés à cet exercice, voici ce que proposent les panélistes.
2- Opter pour un modèle transversal. Le vecteur du numérique pour la croissance des services financiers n’étant plus à démontrer avec la forte pénétration de l’argent mobile, les établissements bancaires peuvent proposer un modèle transversal qui facilite les paiements. A en croire Lynda Ahui, directeur général de MTN Mobile Money, « ce modèle a tout son sens » parce qu’il permet aux PME de gagner du temps dans une approche marché, et de facilement payer leurs fournisseurs et leurs employés.
3- Fournir la documentation nécessaire. Selon Mme Ahui, un frein à l’inclusion financière vient du fait que des acteurs ne sont pas suffisamment documentés sur le sujet. Aussi recommande-t-elle à l’Etat d’identifier les acteurs de l’inclusion financière et leur fournir la documentation nécessaire afin de lever les barrières à l’utilisation des services financiers mobiles.
4- Créer des usages. Pour sa part, Jean-Michel Huet, Partner BearingPoint, a insisté sur la création d’usages autour des services financiers mobiles. Ce qui permettra d’intéresser les citoyens à l’utilisation desdits services. Renchérissant à ce propos, Dano Hermann, directeur général YUP – Société Générale Côte d’Ivoire, a souligné que la mise à disposition de moyens de paiements digitaux pour les agriculteurs facilite la traçabilité des transactions. Pour ces agents économiques qui n’ont pas de comptes bancaires mais qui manipulent de grosses sommes d’argent, le paiement digital offre, en outre, une sécurité plus pratique de gérer leurs fonds.
5- Briser la barrière des cartes. « On peut faire de l’inclusion financière sans passer par carte bancaire », a fait remarquer le Directeur de la Banque des Particuliers à Ecobank. Serge Kouakou invite donc les régulateurs télécoms et du secteur bancaire à mettre en œuvre des réformes qui permettent aux opérateurs de lancer des services financiers qui arrivent à point nommé pour ces personnes qui, bien que ne disposant pas d’une pièce d’identité, ont souscrit à un compte mobile money. Il s’agit de tirer parti de l’omniprésence des téléphones mobiles pour lever les obstacles à l’ouverture des comptes et accélérer l’inclusion financière, sans passer par la carte bancaire.
6- Adresser des besoins financiers existants. L’un des principaux éléments à la réussite de l’inclusion financière en Afrique tient à la capacité des opérateurs de créer des solutions qui adressent les besoins qui ne le sont pas encore. A en croire Sylvain Morlière, l’adressage de ces besoins représente une opportunité pour les Fintech. Responsable de la Practise Services Financiers Mobile chez Sofrecom, il annonce de ce fait, une nouvelle vague de services digitaux qui permettront aux PME d’accepter plusieurs paiements. « Avec l’innovation et la personnalisation des services, les Fintech sont en train de prendre en charge les besoins des PME qui sont dans l’informel », a renchéri Daniel Sarr de l’entreprise Gaindé 2000.
Véritables accélérateurs de croissance, les Fintech ont un rôle à jouer dans l’inclusion financière. Cependant, a prévenu Marcial Monthe, CEO de CinetPay, la durabilité de leurs innovations va dépendre de leur capacité à se conformer aux standards admis en termes de gestion des risques.
7- Investir dans la sécurité. Dans son intervention, Philippe Cahez, vice-président du Groupe, et directeur général Afrique Sub-Saharienne francophone chez Gfi Informatique, a souligné l’importance de la sécurité des plateformes qui reste une donnée primordiale pour garantir la confiance dans l’utilisation des services.
A ce propos, Nicaise Yapoga, le chef de département des centres techniques (point d’échange Internet, CI-CERT, noms de domaine .ci) de l’ARTCI recommande aux entreprises d’investir dans la sécurité afin de réduire la probabilité d’occurrence des attaques informatiques. « Très peu d’entreprises investissent dans la sécurité, alors qu’elle doit être en amont dans tout ce qui est investissement. »
8- Placer l’homme au centre des politiques de sécurité. Dans la même veine, Sélim Doucene, Entreprise Account Manager North, West & Central Africa – Kaspersky, conseille de placer l’homme au centre de toutes les politiques de sécurité. « L’humain est le pilier numéro 1 de la sécurité. Le challenge [pour le responsable de la sécurité d’une entreprise], c’est de faire en sorte que ses collaborateurs soient des partenaires de la sécurité afin de réduire la surface d’attaque. »
Même son de cloche chez Omar Brihi. Le CEO de Learningworld a ajouté que la vertu de l’homme étant toujours de s’améliorer, la réussite d’un projet de sécurité informatique doit toujours être centré sur l’être humain.
9- Développer la coopération internationale. Partant du postulat selon lequel les lois nationales sont limitées dans le cadre de la mondialisation, et que les pratiques cybercriminelles ne faiblissent pas, Fawzi Talout, directeur commercial pour l’Afrique francophone chez HP recommande aux Etats de renforcer la coopération internationale pour protéger l’espace numérique des nombreuses attaques. Le partage d’informations entre Etats permet de prévenir des attaques cybernétiques ou d’éviter qu’elles se propagent à une plus grande échelle.
10- Multiplier les cas d’usage de la blockchain. Technologie de stockage et de transmission d’informations, transparente et sécurisée, la blockchain constitue une base de données contenant l’historique de tous les échanges effectués entre ses utilisateurs depuis sa création. De ce fait, explique le directeur général de Data consulting, Dr Claude Etty, la blockchain dispose d’un potentiel pouvant révolutionner les marchés financiers et redéfinir les règles de l’économie. Mais son adoption nécessite un vaste travail d’acculturation et une multiplication des cas d’usage.
« L’usager n’a pas peur des nouvelles technologies. Tant qu’il y trouve son intérêt. Ceux qui en ont peur, ce sont les dépositaires des technologies actuelles, qui peuvent être disruptées », a conclu Dr Claude Etty.
Outre ces recommandations, les panélistes ont souligné l’importance de l’interopérabilité des différentes plateformes de transfert d’argent, comme la prochaine étape du développement de la finance digitale. Annoncé par la BCEAO pour 2020, l’interopérabilité permettra de renforcer l’attractivité des services financiers mobiles, recruter de nouveaux utilisateurs et mettre en place une interface unique pour les commerçants.
Anselme AKEKO, Abidjan