Les transactions via les plateformes de commerce électronique sont désormais assujetties à la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) au Bénin. Les précisions seront apportées par la Direction Générale des Impôts (DGI) relativement au régime de TVA sur le commerce en ligne. D’ores et déjà, se poser les bonnes questions permet de comprendre les enjeux et éclairer la décision des autorités béninoises.
1. « Taxation à la TVA du commerce électronique », c’est quoi ?
Selon l’article 232 du nouveau Code général des impôts (CGI), « sont soumises à la TVA, toutes les affaires réalisées au Bénin, quand bien même le domicile ou le siège social de l’assujetti serait situé en dehors des limites territoriales ».
Rentrent dans le champ d’application de la TVA sur le commerce en ligne :
– les ventes de biens et les prestations de services de toutes natures effectuées sur le territoire béninois à travers les plateformes de commerce électronique, étranger ou locale.
– les commissions perçues par les opérateurs de plateforme en ligne à l’occasion de la vente des biens services sur le territoire béninois. Il s’agit des sommes versées par le vendeur et/ou l’acquéreur en rémunération de l’utilisation de la plateforme.
2. « Taxation à la TVA du commerce électronique », pour quoi ?
La fiscalité du commerce électronique est problématique en raison des spécificités du réseau internet : il existe une certaine incompatibilité entre le mode opératoire de l’internet et les principes de base de la fiscalité.
De plus, même si la fiscalité repose sur le principe de déclaration, ce système suppose un contrôle des revenus et des bénéfices qui auront été déclarés; en matière de commerce électronique, il sera impossible pour l’administration fiscale de contrôler les transactions lorsqu’elles seront entièrement réalisées en ligne.
La fiscalité repose aussi sur l’identification précise du contribuable. Or, sur l’internet, les vérifications d’identité sont aléatoires, notamment pour les clients qui sont majoritairement des particuliers. L’adresse e‐mail ne fait pas foi de l’identité et de la résidence.
Le commerce électronique bouleverse donc les principes fiscaux traditionnels relatifs à la territorialité de l’impôt ; l’appréhension des profits, l’identification des contribuables, le contrôle et le prélèvement des impôts.
De fait, il apparaît que les entreprises du numérique sont moins taxées que les entreprises traditionnelles.
3. « Taxation à la TVA du commerce électronique », comment ?
a) Le champ d’application de la TVA sur le commerce électronique
Une plateforme numérique désigne un outil digital mettant en relation à distance, par voie électronique, des personnes en vue de la vente d’un bien ou de la fourniture d’un service. La plateforme de commerce en ligne peut être exploitée suivant les modalités ci-après :
- par un opérateur qui met en relation les fournisseurs et les clients ;
- par un fournisseur pour la distribution de ses propres produits.
Les plateformes de commerce en ligne sont considérées comme des plateformes étrangères lorsqu’elles sont exploitées par des non-résidents.
Sont réputées réalisées au Bénin et donc taxables à la TVA au Bénin, les prestations de services fournies à partir des plateformes électroniques dès lors que le preneur y est établi ou y a son domicile ou sa résidence habituelle, quel que soit le lieu d’établissement du prestataire.
b) Les modalités de calcul, de collecte et de reversement de la TVA sur le commerce en ligne
Les modalités de liquidation, de collecte et de reversement de la TVA sur les opérations de commerce en ligne différent selon que l’opérateur de la plateforme est ou non établi au Bénin.
1. Lorsque l’opérateur de la plateforme est établi sur le territoire béninois
La TVA sur les ventes en ligne effectuées à travers les plateformes de commerce électronique établies au Bénin ainsi que les commissions y relatives, est liquidée, collectée et reversée suivant les conditions de droit commun.
La TVA due sur la transaction principale réalisée en ligne (vente d’un bien ou fourniture d’un service) est donc collectée par le fournisseur du bien ou service et reversée auprès de son centre des impôts de rattachement.
L’opérateur de la plateforme quant à lui facture et collecte la TVA sur les commissions payées par son client et la reverse dans le compte du receveur des impôts de son centre de rattachement.
2. Lorsque l’opérateur de la plateforme n’est pas établi au Bénin
Lorsque l’opérateur de la plateforme n’est pas établie au Bénin, il lui incombe l’obligation de liquider, collecter et reverser la TVA sur la transaction et la commission y relative. Pour ce faire, il est préalablement tenu de s’immatriculer.
Les spécificités ci-après sont à relever :
- Cas des biens matériels
Lorsque la transaction porte sur un bien matériel, la TVA n’est pas collectée par l’opérateur de la plateforme mais plutôt par les services de la douane lors du franchissement du cordon douanier.
- Cas des biens immatériels
Lorsque les biens immatériels sont acquis en ligne par les particuliers ou les entreprises, l’opérateur de la plateforme collecte et reverse la taxe. Toutefois, pour les contribuables assujettis à la TVA, en l’absence de la collecte et du reversement par l’opérateur de la plateforme, l’entreprise peut spontanément liquider et collecter la taxe. Dans ce cas, les services fiscaux procèdent aux contrôles d’usages sans préjudice des contrôles effectués par les services douaniers.
Dans tous les cas, la TVA due sur la quote-part des commissions reçues par un opérateur pour les biens et services consommés au Bénin, est collectée et reversée au Bénin par l’opérateur concerné.
- L’obligation d’immatriculation des plateformes de commerce en ligne
Les opérateurs de plateformes numériques étrangères bénéficient d’une procédure simplifiée d’immatriculation à distance et par voie électronique.
A cet effet, ils souscrivent leur demande d’immatriculation en ligne à travers le portail web de la DGI à l’adresse www.impots.bj
La division en charge des enquêtes recense l’ensemble des plateformes qui opèrent au Bénin et prend les mesures nécessaires afin de les informer de leurs obligations fiscales, notamment celle d’immatriculation en application des dispositions du CGI.
Les demandes d’immatriculation des plateformes étrangères de commerce en ligne doivent être faites dans un délai après notification de leurs obligations fiscales par l’administration fiscale, ou du début de leurs opérations au Bénin pour ce qui est des plateformes nouvellement créées.
- La déclaration de la TVA sur les transactions effectuées en ligne
Les déclarations de la TVA est faite par les opérateurs de plateformes électroniques à travers l’interface de télé déclaration accessible via le site web de la DGI.
Cette déclaration doit renseigner le montant du chiffre d’affaires réalisé au cours du mois, le montant de la TVA et le montant TTC.
- Le reversement de la TVA sur les transactions effectuées en ligne
La TVA sur les transactions effectuées en ligne est reversée dans le compte du receveur des Impôts de la Direction en charge des Grandes Entreprises.
- Modalités pratiques de déclaration et de paiement en ligne
Pour les opérateurs de plateforme non domiciliés au Bénin, la déclaration et le paiement s’effectuent suivant la procédure ci-après :
- Accès au portail web de la DGI à l’adresse « www.impots.bj » ;
- Création d’un compte professionnel de télé-procédures. Cette étape de la procédure est réalisée exclusivement lors de la première opération. Une fois le compte créé, l’opérateur se connecte à la plateforme de télé-déclaration avec son « login » et son mot de passe ;
- Renseignement du chiffre d’affaires réalisé sur la période et liquidation par le système de la TVA due. Le système génère automatiquement un avis d’imposition ;
- Paiement (par virement bancaire ou par voie électronique) via l’onglet de télépaiement. L’applicatif génère automatiquement une confirmation de paiement et édite la quittance qui est transmise par voie électronique au contribuable.
- Les sanctions applicables
L’administration fiscale publie la liste des plateformes qui opèrent au Bénin, en précisant celles à jour de leurs obligations déclaratives et de paiement ci-dessus rappelées.
Sans préjudice des sanctions prévues par le CGI, le non-respect des obligations déclaratives et de paiement prévues, entraine la suspension de l’accès à la plateforme à partir du territoire béninois. Pour ce faire, la DGI, sur la base des informations à sa disposition, initie les diligences nécessaires à la mise en œuvre effective de cette sanction auprès du Ministère en charge des communications électroniques et tous autres organismes compétents.
4. « Taxation du commerce électronique », comment finalement ?
L’accélération des services numériques mondiaux et du commerce électronique a révélé la nature obsolète de nombreux régimes fiscaux dans le monde.
Cela rend impératif l’évaluation des régimes de réglementation fiscale en Afrique et leur alignement sur un régime fiscal international. Une telle évaluation doit tenir compte de deux processus internationaux particulièrement importants dans ce contexte : les propositions fiscales de l’OCDE/G20 et, d’un point de vue commercial, les négociations plurilatérales sur le commerce électronique à l’OMC.
À cet égard, il faut examiner également les effets des taxes unilatérales sur les services numériques et les plateformes mondiales transnationales, ainsi que la taxation régressive appliquée dans de nombreux pays africains sur les utilisateurs finaux des services de réseaux sociaux.
Les taxes sur les services numériques telles qu’elles sont actuellement appliquées aux utilisateurs plutôt qu’aux fournisseurs dans plusieurs pays africains ne sont pas idéales du point de vue des bons principes de conception fiscale, car il est fort probable que le coût de la mise en œuvre sera répercuté sur les consommateurs ou les utilisateurs. Pour un continent où l’âge moyen est de 19 ans, et où la plupart des gens sont au chômage ou dans le secteur informel, le caractère régressif des impôts indirects n’est pas un bon point de départ pour taxer l’économie numérique. Cela est susceptible de fausser les marchés et d’être moins progressif en général qu’un impôt direct sur les bénéfices. L’accent devrait donc plutôt être mis sur la taxation des revenus générés dans les espaces numériques, qui devrait être la base d’imposition la plus importante, même si cela n’est pas immédiatement réalisable.
En s’engageant plus activement dans la réforme du régime fiscal mondial, les pays africains comme le Bénin pourraient être en mesure d’obtenir au moins un minimum de 15 % des acteurs numériques mondiaux sans présence physique dans le pays, et dont ils ne reçoivent actuellement rien. Cela nécessitera relativement peu de mécanismes d’application.
Source commentée: Code Général des Impôts L. n° 2021-15, 23 décembre 2021
Une tribune de : Julien Coomlan Hounkpè, Docteur en droit à l’Université d’Abomey Calavi (Bénin)