Covid-19 ou l’alliée de l’exploitation sexuelle en ligne des enfants

Mama Fatima Singhateh, Rapporteuse spéciale sur la vente et l’exploitation sexuelle auprès des Nations unies, a fait le lien entre l’augmentation de l’activité en ligne et l’aggravation de l’exploitation sexuelle des enfants, un fléau ravageur toujours combattu dans le monde.

(Cio Mag) – « Nous savons qu’une crise d’une telle ampleur s’accompagne généralement d’un effondrement des structures de protection sociale », a déclaré l’experte Fatima Singhateh inquiète de l’influence de la pandémie sur la pédocriminalité.

C’était à l’occasion de la présentation d’un rapport sur les « effets du coronavirus sur les différentes formes de vente et d’exploitation sexuelle d’enfants » face aux membres du Conseil des droits de l’homme à Genève, rapporte l’ONU dans une publication en date du 2 mars 2021.

Selon Singhateh, la crise sanitaire liée au Coronavirus a modifié le modèle d’exploitation utilisé pour produire, diffuser ou consommer en ligne des contenus mettant en scène des abus sexuels des enfants.

« L’augmentation de l’activité en ligne des personnes à la recherche de matériel pédopornographique, en raison du temps accru passé à l’intérieur, a aggravé les schémas déjà existants d’exploitation sexuelle en ligne et de cyber intimidation des enfants », a-t-elle indiqué.

Pour elle,  la recrudescence de la violence contre les enfants et les nouvelles formes d’exploitation et d’abus sexuels, tant en ligne que hors ligne, pendant et après les mesures de confinement, menacent d’éroder davantage la situation de millions d’enfants dans le monde, qui sont déjà dans une situation socio-économique précaire.

Dans la lutte contre ces crimes elle a déploré les ressources financières et humaines souvent limitées pour lutter et prendre soin des victimes, le manque de données fiables nuisant à la visibilité des problèmes et empêchant l’élaboration de réponses et de mesures préventives adéquates.

L’experte a recommandé aux gouvernements de « créer un système de protection fondé sur les droits » afin de «prévenir ou atténuer les risques accrus de violence, de maltraitance, de négligence et d’exploitation des enfants lors de situations d’urgence nationale ou de crise de santé publique, comme la pandémie de Covid-19 ».

Contexte général

ECPAT international, un réseau mondial d’organisations luttant contre les formes d’abus et d’exploitations sexuels des enfants milite également pour l’implication des gouvernements et des entreprises technologiques. A l’occasion de la Journée mondiale pour un internet plus sûr tenue le 9 février dernier, le réseau a déclaré qu’ un seul rapport d’exploitation sexuelle fait par une entreprise de technologie aux autorités peut avoir pour résultat qu’un enfant est protégé partout dans le monde.

« Si les entreprises arrêtent d’utiliser des outils qui détectent les matériels d’abus sexuels sur enfants, les enfants en situation d’abus sont effectivement abandonnés », a t-il prévenu à cet effet.

En octobre 2018 Facebook a déclaré que ses modérateurs au cours du dernier trimestre de cette période-là avaient supprimé 8,7 millions d’images d’utilisateurs de nudité enfantine à l’aide d’un logiciel non divulgué qui signale automatiquement ces photos. Même si « du jour au lendemain », l’entreprise  a annoncé qu’elle cesserait d’analyser ses plateformes à la recherche de matériel connu d’abus sexuels sur des enfants.

A l’heure actuelle, la base de données d’INTERPOL sur l’exploitation sexuelle des enfants contient plus de 2,7 millions d’images et de vidéos et a permis d’identifier 23 500 victimes dans le monde. Des exploitations qui concernent également de très jeunes enfants et même des bébés selon l’organisation.

L’Organisation internationale de police criminelle s’est associée à ECPAT international en 2018 pour produire un rapport qui a identifié un certain nombre de tendances alarmantes. Ledit rapport indique que soit 84% des images contenaient une activité sexuelle explicite, plus de 60% des victimes non identifiées étaient prépubères, y compris les nourrissons et les tout-petits ; 65% des victimes non identifiées étaient des filles ; les images d’abus graves étaient susceptibles de présenter des garçons et 92% des délinquants visibles étaient des hommes.

Concernant les auteurs des crimes, ils font partie de toute une série d’exploiteurs « qui commettent des délits en ligne sur des enfants, ainsi que des délinquants qui cherchent à entrer en contact hors ligne avec des enfants en utilisant les TIC pour se connecter avec eux et les préparer ».

Prévention

Chaque utilisateur d’internet dans le monde peut participer à ces crimes sans 
s’en rendre compte et parfois avec la bonne intention de dénoncer. Mais selon 
l’UNICEF, il existe des raisons pour lesquelles des photos d’enfants maltraités ne 
doivent pas être partagées sur les réseaux sociaux.

Notamment parce que cela immortalise en ligne la détresse de l’enfant. 
Mais également car le partage excessif peut rendre plus difficile la recherche de 
l’auteur qui sait qu’il est recherché et donc voudra se cacher. 
Ces partages peuvent aussi conduire à la stigmatisation de l'enfant et le viol de 
son droit à la dignité.

Il est plutôt recommandé de faire des recherches simples sur Google afin de savoir 
si l’image a été signalée et si une mise à jour de l’enfant a été partagée.

« S'il s'agit d'un cas ancien, vous trouverez probablement le rapport en 
ligne et il n'est pas nécessaire de faire autre chose », a indiqué le Fonds onusien.

Il conseille aussi de contacter un service social local ou la police du lieu où 
l’abus a eu lieu ou encore d’envoyer la photo et toute information aux autorités.

 

Aurore Bonny

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