Malgré les averses de pluies et les risques d’inondation annoncés dans plusieurs quartiers de la capitale économique, ils ont répondu à la convocation de la Fondation Jeunesse Numérique (SmartUp) pour défendre leurs projets.
Par Anselme AKEKO
Mardi 19 et mercredi 20 juin 2018. Sur la bande lagunaire de la commune de Treichville. Loin du glamour des réceptifs hôteliers d’Abidjan, une centaine de jeunes entrepreneurs ivoiriens sont prévus aux auditions de la Fondation Jeunesse Numérique qui se déroulent à l’Ecole supérieure africaine des TIC (ESATIC). Parmi eux, Nabounou Diabi et Tidou Sarah, les promotrices de l’application web et mobile eMousso dédiée à la gestion et l’assistance financière des commerçantes dans l’informel. Après leur audition dans l’après-midi du 20 juin, elles acceptent de se confier à CIO Mag.
« Nous pensons avoir fait bonne impression. Nous avons déjà gagné des concours. Nous sommes encore jeunes, et si nous sommes retenues par la Fondation, nous attendons un accompagnement », déclare Sarah Tidou.
Lauréates 2017 du concours Femme, Développement Numérique co-organisé par le FENUD et l’ONG Femmes & TIC, ainsi que l’African Startup Forum (ASF), elles sont convaincues que les jeunes ivoiriens peuvent prospérer dans l’entrepreneuriat numérique. « C’est à la portée des jeunes. Si nous continuons sur cette lancée, nous pouvons devenir de grandes entreprises », assure Nabounou Diabi.
Comme elles, les « start-uppers » ivoiriens sont nombreux à croire en leur étoile. L’esprit de compétition, le désir de gagner, ou d’affronter résolument les difficultés sont importants dans l’entrepreneuriat.
« Ces jeunes, ils sont motivés », s’exclame la Directrice exécutive de la Fondation Jeunesse Numérique, Linda Nanan Vallée, au sortir d’une audition à laquelle nous venons d’assister.
Une sélection « un peu plus sévère »
Pour rappel, la Fondation Jeunesse Numérique a été créée en 2016 à l’initiative du Ministère de l’Economie numérique et de la Poste. La première promotion comprenait 50 entrepreneurs qui avaient été sélectionnés après avoir reçu environ 800 candidatures. Pour ce deuxième appel à projet, elle a reçu environ 600 candidatures. « Pourquoi moins ? Parce qu’on a été un peu plus sévère. On a imposé le business plan. Alors que pour la première fois on pouvait juste décrire son idée, renseigner ses informations personnelles et être candidats, cette année, il était obligatoire de fournir un business plan ; ça demandait déjà beaucoup de travail, ce qui garantit que les candidats qui sont arrivés jusque-là ont fait des efforts », explique Linda N. Vallée.
Sur les 600 candidatures, le cabinet Deloitte, partenaire technique de la Fondation Jeunesse Numérique, en a sélectionné la centaine qui passe depuis mardi devant le grand jury composé d’experts issus de la Fondation Jeunesse Numérique, du cabinet Deloitte, du Groupement des opérateurs des TIC (GOTIC), de la Radiodiffusion Télévision ivoirienne (RTI), du Centre de promotion des investissements en Côte d’Ivoire (CEPICI) et l’Office ivoirien de la propriété intellectuelle (OIPI).
Incubation et accélération
Le lendemain, Mme Vallée nous apprendra que 60 candidats ont été retenus parmi les 100. Ils seront incubés au siège de la Fondation Jeunesse Numérique situé au sein du Village des Technologies de l’Information et de la Biotechnologie, à Grand-Bassam. La phase de formation durera six mois. « Nous avons des formations en rédaction de plan d’affaires, étude de marché, communication écrite et orale, identité numérique, marketing digital… Tout ce don un jeune entrepreneur peut avoir besoin pour être plus aguerri et réussir », détaille la Directrice exécutive.
Des start-up qui font figure de modèles
Mme Vallée ajoute que 20 start-up seront retenues parmi les meilleures pour la phase d’accélération qui comprend le mentorat, les mises en relation stratégique avec des clients, des partenaires ou investisseurs potentiels comme des fonds d’investissement privé ou business angels.
La détection de projets innovants et l’accompagnement des porteurs de projets à travers la Fondation Jeunesse Numérique ont permis l’éclosion de start-up qui font aujourd’hui figure de modèles. Il s’agit, entre autres, de Taxi Pro qui, en plus de son service de transport classique, offre un modèle innovant de parrainage d’investissement ; Lifi Led, premier intégrateur de solutions Lifi en Afrique ; S-Cash payment qui permet le paiement par QR Code, l’épargne et le crédit pour les personnes non bancarisées; eSouklou, start-up à l’origine d’un dispositif permettant la projection d’objets physiques facilitant l’apprentissage dans les écoles professionnelles; Prodestic, start-up ayant mis au point un logiciel de gestion dédié aux agences immobilières ; SNA Telecom qui permet le dossier patient informatisé.
Les projets accompagnés par la Fondation Jeunesse Numérique sont variés : transport, éducation, énergie, Internet, santé, immobilier, etc. Selon Linda Vallée, plusieurs contrats ont été signés par ces startups tant au niveau national que sur les marchés étrangers. De ces réalisations, la Directrice exécutive nous indique en tirer une fière satisfaction. « Ce sont des histoires comme celles-là qui donnent de l’espoir à ceux qui débutent, confie-t-elle. On ne devient pas milliardaire en un jour. Pour se construire, il faut beaucoup de persévérance, et on a déjà des cas concrets de jeunes ivoiriens qui ont choisi l’entrepreneuriat qui gagnent dignement leur vie » et qui pourraient devenir des géants dans leur secteur d’activité.