Rencontre Renaissance : l’IA au service du développement territorial en Afrique

Dans le cadre de la ‘’Rencontre Renaissance – Regards croisés sur l’IA’’, la Société d’Encouragement pour l’Industrie Nationale a organisé le 9 décembre dernier une table ronde en ligne, sur les enjeux de l’intelligence artificielle pour le développement des territoires. Sous la modération de Mohamadou Diallo, fondateur et CEO de CIO Mag, la rencontre a constitué une plateforme d’échanges entre experts. Débattant sur l’avenir de l’IA en Afrique et les approches pour lui faciliter un développement sain, au service des objectifs de développement durable. 

(CIO Mag) – En dépit des scénarios terrifiants pouvant émerger par son biais, l’intelligence artificielle peut jouer un rôle clé dans l’illustration d’un meilleur futur pour l’humanité. Un futur où la technologie agit au sein d’une dynamique de développement, au service de l’humain et du progrès des nations. De toute évidence, l’engouement pour cette IA bien intentionnée est bien palpable en Afrique. Le continent devra compter en 2050 près de 2,4 milliards d’individus, dont la moitié aura moins de 25 ans. Encore que ce boom démographique conforte le potentiel de croissance économique dans le continent, abritant déjà 7 des 10 économies jugées à la croissance la plus rapide au monde.

L’Afrique fait face à des défis majeurs, en termes de massification des besoins éducatifs et d’enseignement inclusif, de changement climatique et de transition écologique, de sécurité alimentaire et d’agriculture résiliente, de chômage de masse et de socialisation des jeunes. Dans ce contexte, l’IA représente un réel vecteur pour mettre le jeune continent sur la voie du développement durable.

Vers une prise de conscience généralisée des enjeux de l’IA !

Pour Eric Adja, président de l’Agence francophone pour l’intelligence artificielle (AFRIA), l’IA représente avant tout un enjeu de perception et d’assimilation. Plaidant pour un accompagnement inclusif, qui renforce l’esprit éthique et responsable chez les créateurs de solutions. En corrélation, cet accompagnement devra fédérer les écosystèmes d’innovation autour des vrais enjeux socio-économiques.

‘’Notre mission à AFRIA consiste principalement à sensibiliser les pouvoirs publics, le secteur privé et le secteur académique sur les enjeux de l’IA dans les pays francophones en particulier, et l’Afrique en général. Car ce dont nous avons besoin, c’est une technologie qui sert l’humain, non l’asservir.’’

Et d’argumenter : ‘’En plus de la création de richesses, l’IA doit s’opérer dans le respect des données personnelles, de la vie privée ainsi que les différents enjeux liés à l’humain.’’

Dans l’ordre d’idée, Naji Bouchiba, consultant en innovation par l’usage, pense que le piège du techno-centrisme ne peut être évité, en dehors de politiques d’habilitation et d’autonomisation, destinées à instaurer un système de gouvernance qui préserve le continent du ‘’colonialisme numérique’’, qu’il définit en tant que toute forme de dépendance technologique ou Data, de nature à confiner la souveraineté digitale des Africains.

‘’L’IA est une chance parce que nous sommes au même niveau technologique que les autres continents. Mais pour en tirer profit, nous avons besoin de structures africaines qui œuvrent pour l’autonomie numérique du continent, notamment en termes de traitement et valorisation des données’’, indique-t-il.

De concert, Mohamadou Diallo, CEO de CIO Mag et modérateur de la rencontre, a présenté la gouvernance des données sous le prisme d’une démonstration, qui projette la transition digitale dans le passif industriel du continent. Celui-ci s’est limité au rôle de pourvoyeur de matières premières, transformées et valorisées en dehors de ses frontières. Faisant s’envoler en conséquence la part africaine du progrès insufflé par l’industrialisation.

‘’Aujourd’hui, la matière première ce sont ces masses de données, qui doivent rester sur terre africaine’’, conclut-il

Le facteur humain au cœur des enjeux d’africanisation !

Naturellement, l’africanisation des rôles clés requiert le développement d’un gisement de compétences locales, aptes à concrétiser les projets d’innovation.

‘’En matière d’IA, il faut éviter de réinventer la roue, et cibler l’expertise là où elle se trouve”, martèle Eric Adja, qui prône l’ouverture sur les systèmes académiques en avance sur la matière, tout en adaptant les contenus de formation aux besoins africains.

‘’Nous travaillons au sein de l’AFRIA sur différents programmes de coopération académiques : Nord-Sud avec des partenaires internationaux, mais également Sud-Sud entre les universités africaines.’’ Et d’alerter sur le retard accusé par les pays francophones sur ce volet : ‘’Il faut souligner que les pays anglosaxons tels que l’Afrique du Sud, le Kenya, le Rwanda, le Nigeria… proposent une offre de formation plus aboutie en matière d’intelligence artificielle, ce qui nous pousse à redoubler d’efforts dans les régions francophones’’, insiste-t-il

Connecté à la table ronde depuis Johannesburg, Pierre Corneloup, Chargé de développement chez Business France en Afrique de Sud, explique le progrès des pays anglophones par une effervescence palpable dans l’ensemble de l’écosystème. ‘’Dans les pays anglophones, on voit clairement qu’il y a plus d’initiatives en IA, avec des applications concrétisées dans divers domaines comme la Fintech ou la Télémédecine.’’ Et de préciser l’envergure des implantations internationales dans la région : ‘’Cette appétence pour l’IA est d’autant plus renforcée par la présence de géants internationaux, tels que Google, IBM, Amazon web services… à travers des centres d’expertises installés dans la région, qui contribuent à l’animation de cette dynamique.’’

A la fin de la séance, les intervenants à la table ronde ont partagé leurs différentes recommandations pour l’adoption et la démocratisation de l’IA au profit du développement durable en Afrique. Dans l’ensemble, les préconisations se sont orientées vers le volet législatif concernant la sécurité des données, l’encouragement des écosystèmes d’innovation et la mutualisation des capacités intra-africaines. Entre autres, Eric Adja a suggéré dans ce sens la mise en place d’un plan Marshall pour l’intelligence artificielle, porté par des financements africains, parallèlement à la coopération internationale avec les partenaires du continent’’, conclut le président de l’Afria.

Au regard de l’importance de la technologie dans la réalisation des ODD fixés par l’Agenda 2030, l’Afrique est devant un moment historique en vue de rattraper des décennies de retard et de passivité. Pour cela, le génie des créateurs et la décision politique doivent s’exprimer à partir de prismes humanistes et africanistes, qui se projettent dans un avenir porteur de prospérité et de dignité pour l’ensemble des populations.

Zakaria Gallouch

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